Dépister les décrocheurs dès l’enfance


La qualité de la mémoire de travail d’enfants d’âge préscolaire influerait sur leurs résultats au secondaire

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Photo: Annik MH De Carufel Le Devoir

La mémoire de travail est responsable de la manipulation et de la mémorisation à court terme d’informations.

La qualité de la mémoire de travail des enfants d’âge préscolaire serait un bon indice de leur risque de décrochage au niveau secondaire, révèle une vaste étude effectuée chez des enfants québécois. L’étude souligne ainsi l’importance de mener en bas âge des interventions ciblant cette faculté.

La mémoire de travail est responsable de la manipulation et de la mémorisation à court terme d’informations. « C’est en quelque sorte une mémoire vive », affirme la chercheuse principale de l’étude, Linda Pagani, de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. « La mémoire de travail est importante pour maintenir en ligne des informations cruciales lors de la résolution d’un problème de mathématiques ou pour relier les informations apparaissant d’un paragraphe à l’autre dans les tâches de lecture, par exemple. […] Elle est également liée à l’attention et l’inhibition. Pour résoudre des problèmes complexes, les enfants font appel à ses trois fonctions », précisent les auteurs de l’étude dans la revue Intelligence.

Ces chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse ont d’abord mesuré la mémoire de travail de 1824 enfants alors qu’ils étaient âgés de deux ans et demi et de trois ans et demi. Pour ce faire, un expérimentateur rangeait sous les yeux de l’enfant une série d’objets (jouet en forme d’animal, morceau de casse-tête, ustensile de cuisine, petite voiture) dans deux boîtes, tout en nommant le nom de chaque objet — afin d’attirer l’attention de l’enfant — au moment de le déposer dans une des deux boîtes. Les différents jouets étaient ensuite retirés des boîtes et placés devant l’enfant, qui devait alors remettre chaque jouet dans la boîte appropriée.

Une fois que ces mêmes enfants ont atteint l’âge de 12 ou 13 ans, les chercheurs ont évalué leur risque de décrochage à partir de leur performance académique (basée sur leur moyenne cumulative dans différentes matières), de leur retard scolaire (s’ils avaient redoublé une année scolaire), et sur leur motivation à bien réussir et à poursuivre leurs études. Deux chercheurs de l’étude avaient déjà démontré antérieurement que ces facteurs permettent de prédire quels élèves ne réussiront pas à décrocher leur diplôme d’études secondaires avant 21 ans, l’âge limite pour l’obtenir.

« Lors d’une étude antérieure, nous avions pu montrer que la même évaluation de la mémoire de travail durant la petite enfance permet d’identifier les enfants qui ne seront pas suffisamment matures pour la maternelle. De plus, nous savions qu’il existe un lien très clair entre une difficulté à se contrôler à la maternelle et le risque de décrochage plus tard. Si l’enfant n’a pas maîtrisé le contrôle cognitif nécessaire à l’attention, laquelle est sollicitée de façon de plus en plus soutenue au cours de la maternelle et la première année, il sera plus sujet au décrochage plus tard », explique Mme Pagani.

Dépistage possible

L’étude actuelle montre que « la mémoire de travail à deux ans et demi est un excellent indicateur du risque de décrochage scolaire plus tard, résume-t-elle. Si on peut dépister un enfant ayant une très faible mémoire de travail à deux ans et demi, on pourra intervenir à la garderie afin qu’il commence la maternelle du bon pied, ce qui contribuera à réduire son risque de décrochage plus tard ».

Les chercheurs affirment que les enfants dotés d’une faible mémoire de travail éprouvent généralement « des difficultés à effectuer des tâches en présence de sources de distraction, à suivre une séquence d’instructions, voire à gérer leur temps de façon à compléter un travail dans le temps alloué ».

Pour aider les jeunes enfants à développer leur mémoire de travail, les chercheurs proposent « un entraînement en pleine conscience », cette forme de méditation qui peut inclure des exercices de respiration, mais qui vise surtout à se concentrer sur le moment présent. Ils insistent aussi sur l’importance de limiter le temps passé devant un écran, ainsi que le stress. Pour les enfants plus âgés, ils recommandent la pratique d’activités sportives, telles que le soccer et le basketball, voire les arts martiaux.

« La mémoire de travail et le contrôle cognitif sont des fonctions que l’on peut entraîner,soulignent les auteurs. C’est pourquoi il faut accroître les activités susceptibles de les stimuler à la garderie et à l’école primaire, car il s’agit d’une bonne stratégie pour réduire le décrochage scolaire. »

Pauline Gravel

Source : Le Devoir

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